Quelles précautions prendre avant d’accepter une succession ?

A la disparition d’un proche, les héritiers ont la possibilité d’accepter ou de refuser la part d’héritage qui leur a été laissée par le défunt. Dans l’hypothèse où un héritier accepte de recevoir la transmission des biens du de cujus, il est conseillé de prendre des précautions, de tenir compte d’un certain nombre de facteurs, afin de pouvoir jouir pleinement de cette part d’héritage. Quelles sont les modalités pratiques de l’acceptation d’une transmission de biens ? Qu’ y a-t-il lieu de faire afin de s’assurer une jouissance paisible de ces biens ?

Les différentes formes d’acceptation

Dans le cas où un héritier accepte de recevoir la part d’héritage qui lui a été laissée par le défunt, il dispose de deux possibilités d’acceptation. Il y a d’une part l’acceptation pure et simple et d’autre part l’acceptation à concurrence de l’actif net.

L’acceptation pure et simple

L’acceptation pure et simple se décline sous trois formes.

La première est expresse. Dans un acte privé ou devant un notaire, l’hériter déclare de façon explicite et sans équivoque accepter l’héritage qui lui a été attribué par le défunt.

La seconde forme d’acceptation pure et simple est tacite. Ici, l’héritier accomplit des actes qui laissent penser qu’il accepte de prendre la part d’héritage laissée à son actif. Cet acte se manifeste par exemple, par la vente d’un bien issu de l’héritage. Cependant, si le successible accomplit des actes d’administration provisoire, dans le but d’éviter la dégradation du patrimoine, il n’est pas considéré comme ayant accepté tacitement l’héritage. Cette règle s’applique également au paiement des frais d’obsèques, des impôts dus par le de cujus, ou de ses frais de dernière maladie.

La troisième forme d’acceptation est l‘absence de réponse de la part de l’héritier à une demande d’exercer l’option. Quatre mois après le décès de la personne dont la transmission de biens est ouverte, un de ses créanciers, un héritier potentiel ou l’Etat, peut demander à l’héritier réticent d’exercer son option et de prendre parti. Dans un délai de deux mois, ce dernier doit donner une réponse, ou à défaut, solliciter un délai supplémentaire. A l’expiration de ce délai, si son silence perdure, il est considéré comme ayant accepté l’héritage.

L’acceptation à concurrence de l’actif net

Aux termes des dispositions de l’article 788 du Code Civil, l’acceptation à concurrence de l’actif net suit une procédure bien définie. Elle précise que l’héritier doit aller au greffe du Tribunal de Grande Instance déposer une déclaration d’acceptation à concurrence de l’actif net. La déclaration doit naturellement mentionner son identité, ainsi que son domicile. Dans les quinze jours suivant le dépôt de ladite déclaration, le successible doit publier sa déclaration dans un journal d’annonces légales. Dans les deux mois suivant le dépôt de déclaration, il produit au tribunal un inventaire de l’héritage auquel il a été appelé. Il a la possibilité de demander un délai supplémentaire. Quinze mois après la publication de la déclaration, les créanciers du défunt doivent déclarer leurs créances à l’héritage ; autrement ils ne pourront se faire payer. Toutes les poursuites contre les héritiers sont suspendues pendant ces quinze mois.

Les effets de l’acceptation pure et simple et les précautions à prendre

L’acceptation pure et simple qu’elle soit explicite ou tacite, signifie que le successible accepte de recevoir la fraction des biens du défunt qui lui est destinée, tel qu’établi par la loi ou le testament du de cujus. Inclusivement, il doit régler les dettes liées à ses droits dans l’actif, ceci à hauteur de ses biens personnels si l’actif hérité ne suffit pas à apurer les dettes. C’est dire que les créanciers personnels de l’héritier et ceux du défunt peuvent demander à être payés autant sur les biens personnels de l’héritier que sur les biens qu’il a reçus de l’héritage. C’est en cette dernière précision que se trouve le risque principal de l’acceptation pure et simple, explicitement ou tacitement. Des précautions s’imposent donc.

L’acceptation explicite ou tacite d’une transmission de biens doit se faire à la lumière du patrimoine du défunt. L’héritier se doit de réaliser un inventaire de la part qui lui revient, afin de s’enquérir des éventuelles dettes, pour ensuite apprécier sa capacité à les apurer ou non. Cette précaution est de mise d’autant plus que la décision d’acceptation explicite ou tacite est définitive, tel qu’en dispose l’alinéa 1 de l’article 786 du Code Civil. La loi ne prévoit une exception en ce sens que si l’héritier apprend tardivement l’existence d’une dette dont l’apurement aurait gravement diminué son patrimoine personnel. Dans cette hypothèse, l’héritier acceptant explicitement et tacitement peut être déchargé en tout ou en partie. Pour obtenir gain de cause, il doit saisir le TGI dans un délai de 5 mois, à compter du jour où il a eu connaissance de l’existence de cette importante dette.

Par ailleurs, la loi protège l’héritier universel qui reçoit la totalité de l’héritage avec à charge l’exécution des legs réalisés par le défunt. Ainsi, il n’est tenu aux legs de sommes d’argent qu’à concurrence de l’actif, déduction faite de l’actif des dettes.

Les effets et précautions en cas d’acceptation à concurrence de l’actif net

L’acceptation à concurrence de l’actif net a pour effet de ne rendre l’héritier redevable des dettes qu’à hauteur de la valeur de l’actif qu’il a recueilli au titre de la succession (article 791 alinéa 3 du Code Civil). Contrairement à l’acceptation pure et simple (tacite ou expresse), les créanciers ne peuvent pas se faire rembourser sur les biens personnels de l’héritier si l’actif dont il a bénéficié dans l’héritage est inférieur au passif. Autrement dit, son obligation au passif n’est limitée qu’à la part dont il a hérité. C’est en cela que cette option est plus avantageuse que l’acceptation pure et simple.

L’option de l’acceptation à concurrence de l’actif net nécessite également que l’héritier prenne des précautions. Il s’agira pour lui de réaliser un inventaire afin de déterminer la part qui lui revient et de la comparer aux dettes laissées par le défunt, et pour lesquelles les créanciers voudront le poursuivre sur la part qui lui revient. L’acceptation à concurrence de l’actif net est recommandée dans les cas où les dettes sont importantes ou assez difficiles à évaluer. Une analyse minutieuse de la situation de l’héritage est impérieuse.

Il faut aussi préciser que l’acceptation à concurrence de l’actif net n’est pas irréversible. La loi prévoit en effet que 10 ans après la mort du défunt, l’héritier ayant accepté à concurrence de l’actif net, peut faire l’option de l’acceptation pure et simple tel qu »en dispose l’alinéa 1 de l’article 801 du Code Civil. D’office, ce changement a un effet rétroactif au jour de l’ouverture de la succession. A partir de ce moment, le successible ne peut plus renoncer à l’héritage.

En résumé: par l’acceptation pure et simple, l’héritier est tenu de payer les dettes du défunt sur ses biens personnels au besoin. Dans le cas de l’acceptation à concurrence de l’actif net, l’héritier est exempté de cette exigence de paiement des dettes du défunt au-delà de sa part et sur ses biens personnels, parce que s’étant assuré que l’apurement du passif du défunt n’excédera pas le montant des biens qu’il a reçus de l’héritage. Dans l’un ou l’autre des cas, l’inventaire reste de mise.

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