Que l’on soit fabricant, importateur, distributeur, distributeur en ligne, il est important de savoir que le e-commerce des produits de beauté, d’hygiène et de cosmétiques est particulièrement réglementé en France.
Qu’est-ce qu’un cosmétique ?
Le législateur en France a défini précisément ce qu’il convient d’entendre par « cosmétiques » :
« Toute substance ou mélange destiné à être mis en contact avec les parties superficielles du corps humain (épiderme, systèmes pileux et capillaire, ongles, lèvres et organes génitaux externes) ou avec les dents et les muqueuses buccales, en vue, exclusivement ou principalement, de les nettoyer, de les parfumer, d’en modifier l’aspect, de les protéger, de les maintenir en bon état ou de corriger les odeurs corporelles »
Le texte est une transcription du droit européen dans le Code de la santé publique.
C’est là une des spécificités du secteur des cosmétiques : la vente en ligne de cosmétiques relèvent de trois types de dispositions :
- celles, très strictes, communes aux produits considérés à tort ou à raison comme ayant trait à la santé (Code de la santé publique)
- celles régissent qui les activités commerciales (Code du commerce),
- et enfin celles qui visent à protéger les consommateurs, surtout lors d’une vente à distance (Code de la consommation)
Dans le cas de la vente en ligne de cosmétiques, c’est donc un faisceau de lois qu’il convient de respecter.
Obligations légales dans la vente de cosmétiques
Nous ne traiterons ici que des cadres légaux imposés aux distributeurs et vendeurs, qui s’appliquent donc notamment aux e-commerce de cosmétiques.
Si vous désirez vendre des produits cosmétiques et quelle que soit leurs appellation (produits de beauté, d’hygiène, etc.), le Code de la santé requiert que vous vous assuriez d’avoir des informations précises sur les marchandises afin que vous soyez à même :
- d’une part de ne pas mettre en danger le consommateur,
- d’autre part de l’informer en toute transparence sur l’origine, la composition et les effets des articles qu’il achètera via votre e-boutique
Ainsi, explique Catherine Argoyti, responsable du secteur « cosmétiques » à la DGCCRF (Direction de la consommation et de la répression des fraudes) :
« La mise sur le marché d’un produit cosmétique implique la désignation obligatoire d’une «personne responsable», en général le fabricant ou l’importateur. Ce professionnel garantit, pour chaque produit cosmétique commercialisé, sa conformité au regard des obligations établies par le règlement européen. Les distributeurs, de leur côté, sont tenus de vérifier l’étiquetage (mentions obligatoires, respect de la langue française, validité de la date de durabilité minimale) et de s’assurer de l’information du « responsable » et des autorités en cas de non-conformité et bien sûr des effets indésirables graves constatés »
Les détails des obligations légales (notamment en terme d’étiquetage) concernant les produits cosmétiques sont à retrouver in extenso dans la section qui leur est dédiée du Code de la santé publique.
E-commerce et effet de la loi Hamon
Pour ce qui concerne les dispositions spécifiques à la vente en ligne de cosmétiques, c’est cette fois la loi « Consommation » de 2014 dite loi Hamon (du nom du ministre qui l’a portée devant le Parlement) qui doit retenir l’attention. Le texte a comme philosophie de renforcer la protection des consommateurs dans de nombreux domaines (de la résiliation des assurances à la lutte contre le démarchage téléphonique en passant par l’instauration des « actions de groupe »).
Un des premiers pans du texte a concerné spécifiquement le « e-commerce », et est inclus dans ce décret.
Pas de droit de rétractation pour les cosmétiques ?
Pour ce qui concerne les cosmétiques, c’est la question précise du droit de rétractation qui a focalisé l’attention des professionnels du secteur et des juristes. Pour l’essentiel transposées depuis le droit européen, ces mesures imposent une rédaction explicite des conditions générales de vente des boutiques en ligne (concernant le droit de rétractation, allongé à 14 jours, et sa mise en œuvre), mais elles prévoient des dérogations et exceptions.
Très vite, certains spécialistes ont pu comprendre que les « cosmétiques » en faisaient partie. Dès 2014 Marc Lolivier, délégué général de la Fevad (Fédération du e-commerce et de la vente à distance), notait :
« En parlant de biens qui, par leur nature, ne peuvent être réexpédiés ou peuvent se détériorer ou se périmer rapidement, la loi jusqu’alors n’excluait pas clairement sur les produits cosmétiques. Désormais, ils sont de facto exclus du droit de rétractation de la vente à distance »
En effet, la loi semble évoquer parmi les contrats pouvant échapper au droit de rétractation (avec ce qu’il implique, le retour et/ou le remboursement etc.), les produits non retournables pour des raisons d’hygiène ou de protection de la santé, mais …
Ce n’est pas aussi simple !
L’article 121-21-8 du Code de la Consommation dit plus exactement que ne sont pas éligibles au droit de rétractation les contrats de :
« fourniture de biens qui ont été descellés par le consommateur après la livraison et qui ne peuvent être renvoyés pour des raisons d’hygiène ou de protection de la santé »
Un entretien avec un consultant spécialiste du secteur (qui a conseillé plusieurs sociétés du secteur) nous a orienté :
« Sauf à ne vendre qu’un seul produit, un professionnel commercialisant en ligne des cosmétiques a tout intérêt à appliquer toutes les dispositions de la loi Hamon en terme d’information, et de ne pas exclure a priori ses produits du droit de rétractation.
Pour une question d’image : la plupart des acteurs du secteur – à commencer par les grandes marques et sociétés qui dominaient déjà le marché avant l’irruption du e-commerce – ont choisi de faire ainsi. Se démarquer revient à s’auto-infliger une note négative vis-à-vis des clients.
Pour une question pratique ensuite : sur une commande donnée, il peut arriver que le client renonce à l’ensemble de son achat, ou à une partie seulement. Comment prouver qu’un rouge à lèvres ou une crème ne sont pas « retournables » pour des raisons d’hygiène ou de protection de la santé s’ils n’ont pas été ouverts ? »
Enfin, l’absence pour l’heure d’une jurisprudence étoffée invite d’autant à ne pas se précipiter dans ce qui apparaît comme une vraie-fausse bonne solution d’échapper à une contrainte légale.
#ecommerce de #cosmetique : pas de jurisprudence, donc le droit de #retractation s'applique a priori ! Click To TweetUn doute ? Une astuce !
Une « astuce » utilisée par certains e-commerçants est de scellere leurs produits cosmétiques, ce qui peut leur faire bénéficier d’une exception au droit de rétractation.
Quelques chiffres du secteur cosmétiques
Au sein d’une économie toujours marquée la crise, l’industrie et le commerce de la cosmétique font preuve d’une bonne santé évidente. Pour autant, même les données chiffrées sont loin d’être précises.
Le chiffre d’affaires du secteur est estimé à 10,5 milliards d’euros par la Febea (l’une des fédérations professionnels de fabricants) alors qu’il serait de 25 milliards selon la Cosmetic Valley, un pôle compétitivité labellisé par l’État en 2005.
Il s’agit par ailleurs d’un secteurs les plus performants au niveau de l’export grâce à des géants comme L’Oréal.
Pour ce qui concerne la vente des cosmétiques en e-commerce, les données font état de 600 millions de chiffre d’affaires en 2015 (Fevad). Soit un peu moins de 7 % des ventes réalisées, une proportion qui augmente cependant chaque année (elle était 3,8 % en 2010).
D’une manière globale, si le chiffre d’affaires du e-commerce a progressé de 11 % en 2014, établissant un record à 56,8 milliards, les études de la Fevad sont formelles : les trois quarts des opérateurs de la vente en ligne disposent également de leurs propres points de vente physiques.
C’est un élément déterminant quand on examine le marché des cosmétiques où cohabitent des grandes enseignes jadis leaders (avant l’arrivée du web) et qui ont su s’adapter à ce nouvel écosystème (Yves Rocher, par exemple), conjuguant vente « physique » et vente en ligne, des distributeurs qui ont ciblé les plate-formes généralistes (dites « places de marché »), telles que Amazon, E-Bay ou Cdiscount et enfin des indépendants qui se concentrent sur la seule vente en ligne (pour commercialiser leur propre production, des produits importés ou encore des spécialités de niches (bio, produits à base d’algues ou de lait etc.).
Dernier chiffre : Internet n’est encore que le cinquième circuit de distribution de l’hygiène-beauté, selon une étude Kantar Worldpanel.
Une des explications à ce retard ? Timothée Raymond, cofondateur de l’agence Equinoa, dans le magazine LSA, évoque :
« Pendant longtemps, les marques ont pensé que l’e-commerce n’était pas adapté, que les consommatrices avaient besoin de tester, de toucher, de sentir les produits. Or, le succès des sites de vente de chaussures et de vêtements montre que les clientes peuvent acheter sans essayer »
Plusieurs techniques marketing et technologiques permettent par ailleurs désormais de contourner les réticences des clients :
- l’envoi d’échantillons gratuits,
- des formules « box » (sur le modèle de ce qui existe pour les cadeaux et voyages, sauf qu’elles contiennent ici, pour une somme raisonnable, différents produits en petite quantité)
- mais aussi l’arrivée sur le marché de logiciels qui permettent aux internautes de tester à partir d’une photo l’effet de produits de beauté
L’affaire Pierre-Fabre, élément déclencheur
Les historiens du droit retiendront que c’est à un acteur du secteur de la cosmétique que l’on doit (malgré lui) qu’il soit interdit… d’interdire à un distributeur de vendre en ligne !
La procédure judiciaire a duré cinq années. Elle a pris fin le 31 janvier 2013 par un arrêt de la cour d’appel de Paris qui a donné tort aux laboratoires Pierre Fabre qui voulaient interdire à leurs distributeurs agréés d’utiliser Internet. Le fabricant avait plaidé que pour des raisons de santé publique, un conseil qualifié et personnalisé devait être possible mais ne pouvait être possible que « physiquement ».
Un autre contentieux a opposé le fabricant Caudalie à la société eNova qui gère le site 1001pharmacies.com. Le fournisseur prétendait ne pas avoir agréé le distributeur. Cependant, la cour d’appel de Paris a jugé qu’il s’agissait là d’une possible restriction aux principes de la concurrence.
Nos conseils
– Avant de vendre en ligne vos produits cosmétiques, assurez-vous de respecter les préconisations du Code de la santé (composition, étiquetage…)
– Soignez la rédaction de vos conditions générales de vente et d’utilisation pour sécuriser votre activité, notamment concernant le droit de rétractation
Editioneo propose un service dédié pour la rédaction des CGV de boutique en ligne, préparées par une avocate qui peut ensuite les relire et les valider.
Bonsoir,
Je souhaiterai ouvrir un e commerce afin de vendre des produits cosmétiques que l’on ne trouve pas en France tel que « Bath and Body Works ». Comment puis-je avoir leur accord ?
Merci de votre réponse.
Mlle SOUCHET Lea
Bonjour,
S’ils produisent eux-mêmes des produits, la première étape est de les contacter pour leur demander s’ils fournissent aussi des revendeurs.
S’ils revendent eux-mêmes des produits produits par d’autres fournisseurs, il vous faudra tenter de contacter ces derniers avec la même demande.
Cordialement,
Pour les produits d’hygiène, il faut bien vérifier les compositions de chaque produit, les faire tester par des tiers avant de les proposer sur son site. Et au préalable, bien sûr choisir des fournisseurs avec qui le l’engagement est le même. On ne distribue pas ce type de produits comme tous les autres, on ne peut tromper le consommateur. Merci pour votre article bien détaillé.