Successions: comment faire face à l’indivision ?

Le partage d’un héritage impose souvent aux héritiers, et selon les circonstances de rester copropriétaires d’un ou de plusieurs biens précis, pendant un certain temps, avant que chacun ne puisse jouir de la part qui lui est destinée. Une telle situation a des conséquences de natures diverses sur le partage. Elle suppose aussi certains effets. Que faut-il savoir à ce sujet ? Etat de la question !

L’indivision successorale, qu’est-ce que c’est ?

Il s’agit d’une situation juridique dans laquelle, pour le compte d’une succession, les héritiers deviennent copropriétaires ensemble, des biens qu’ils ont hérité du de cujus (défunt) ; chacun selon la part d’héritage qui lui revient. On les appelle alors des indivisaires, parce que liés par le même bien hérité du défunt, et chacun possédant sur ce bien, une part de propriété.

Cette situation naît automatiquement dès le décès, et prend fin une fois les biens successoraux liquidés. Il faut toutefois préciser que cette liquidation peut parfois prendre des années, selon les circonstances, et les difficultés rencontrées au moment de la rendre effective. En règle générale, une telle situation n’a pas vocation à durer, si les héritiers s’accordent sur la conduite à tenir et le procédé à adopter pour y mettre fin au plus vite par une liquidation équitable, à l’issue de laquelle aucun indivisaire ne se sentira lésé. Il faut aussi insister sur le fait que cette situation ne peut exister qu’entre les héritiers possédant des droits identiques sur les biens.

Quelles sont les raisons qui peuvent justifier une telle situation ?

Plusieurs raisons peuvent justifier le fait que les héritiers ne procèdent pas immédiatement au partage des biens qui leur ont été légués par le défunt. Les plus fréquentes d’entre elles sont :

  • L’existence d’un bien indivisible : Il s’agit souvent d’une maison ou d’une propriété familiale qui ne peut être partagée entre les héritiers, et pour laquelle la vente et la répartition du prix de vente parait être la seule solution ;
  • Désaccord des héritiers sur le partage : Ce cas de figure est envisageable au cas où les biens du défunt peuvent être partagés. Mais il arrive souvent que les héritiers ne s’accordent pas sur la répartition, au point où maintenir la copropriété de tous les héritiers sur le bien, reste la seule solution ;
  • L’impossibilité de vendre un bien : Le bien concerné peut rester indivis, s’il s’agit par exemple d’un appartement loué occupé par la veuve du défunt conformément à son droit viager d’occupation du logement familial. De même, ce cas de figure peut s’observer si les héritiers n’ont que la nue-propriété sur le bien en question.
  • Le cas où les héritiers décident d’attendre : Il s’observe souvent lorsque les indivisaires décident d’un commun accord de ne pas vendre un bien peut-être pour sa valeur sentimentale, ou en vue de faire des réparations avant de le vendre.
  • Le blocage de la liquidation par un héritier : C’est le cas où un héritier ne se manifeste pas, ou s’oppose à la liquidation.

Quelles règles régissent la gestion d’une telle situation ?

Plusieurs règles sont prévues par la loi afin de gérer au mieux la liquidation d’une succession contenant des biens indivis. Ces règles sont fonction des cas de figures qui peuvent se présenter, selon que les héritiers décident d’administrer ensemble les biens, de fonctionner sur la base d’une convention d’indivision, ou de désigner un mandataire.

L’administration des biens

Dans le cas d’espèce, la loi requiert la majorité des deux tiers des voix. Une telle exigence se justifie en effet par le fait que la gestion des biens suppose de nombreuses prises de décisions, lesquelles peuvent ne pas être du goût de tous. En ce sens, le législateur reconnait trois niveaux d’accord entre indivisaires.

Dans un premier temps on distingue le cas où un indivisaire peut mener certaines actions seul, sans en référer aux autres. C’est dire qu’un indivisaire peut donc prendre des mesures qui lui semblent correctes pour préserver le bien indivis. On parle alors de mesures conservatoires.

Le deuxième niveau d’accord s’apparente à une gestion courante, dont l’effectivité est liée à l’accord de la majorité des deux tiers. Il s’agit par exemple des cas de réalisation de travaux d’entretien, pour laquelle une majorité de 66,6% des voix indivisaires est requise. Il importe cependant de préciser que le calcul de cette majorité est basé sur les parts de chacun dans la liaison successorale, et non en termes de têtes d’indivisaires.

Quant au troisième niveau d’accord, il se rapporte aux actes de disposition (vente, donation) pour lesquels l’unanimité est en règle générale requise, quoi qu’il est possible d’y déroger. Pour que cela soit possible, il suffirait qu’un ou des héritiers réunissant les deux tiers de voix fassent part aux autres de son intention de vendre, via les soins d’un notaire. Les potentiels acquéreurs ont à partir de ce moment, trois mois pour se prononcer. En cas de silence ou de refus, les héritiers concernés peuvent saisir le tribunal, qui peut donner son aval s’il estime que la vente ne porte préjudice aux intérêts de personne. Cette procédure ne peut être envisagée s’il existe un mineur dans le rang des héritiers.

La convention d’indivision

En l’espèce, les mesures de gestion des biens concernés par l’indivision sont prises d’un commun accord. L’avantage de la convention d’indivision est de permettre aux indivisaires d’aménager les dispositions légales de manière à ce qu’elles répondent à leurs intérêts communs. Ladite convention peut porter sur certains biens, ou sur la totalité des biens indivis, et être d’application pour une durée déterminée ou indéterminée. Aussi peut-elle ne pas prévoir de gérant, comme elle peut en nommer un à sa convenance. Ce dernier peut être ou non un des indivisaires.

Il faut préciser que pendant le temps que court la convention, aucun héritier ne peut demander la liquidation des biens, sauf pour juste motif, selon l’appréciation d’un juge. Un héritier peut tout de même céder sa part à un tiers, avec une réserve de droit de préemption acquise aux autres héritiers. La convention doit être écrite, idéalement par un notaire, sous peine de nullité.

Le mandataire désigné

D’un commun accord, les héritiers peuvent s’entendre et donner mandat de gestion à l’un d’eux de l’héritage les liant. Ce mandat peut être écrit par les héritiers eux-mêmes ou par un notaire, et se décline en deux variantes. Il s’agit d’une part du mandat général d’administration, qui couvre les biens de la succession, en se limitant toutefois à leur gestion courante (perception des loyers, paiement des impôts et taxes, etc.). D’autre part, il s’agit du mandat spécial qui assigne au mandataire une mission précise ; trouver un acquéreur pour un bien faisant partie de l’héritage par exemple.

Dans tous les cas, le mandataire ne peut procéder à un acte de disposition sur les biens concernés. C’est dire qu’il ne peut ni les vendre, les donner ou les hypothéquer. Il est par ailleurs seul responsable des fautes commises pendant sa gestion. Les héritiers ont la possibilité le révoquer, de lui réclamer des frais de dédommagement, sauf s’il apporte la preuve d’avoir été victime d’un mauvais comportement de la part ces derniers.

Le mandataire à titre posthume

Il est choisi par le défunt avant sa mort, et a pour mission de protéger les intérêts des héritiers inaptes, vulnérables, mineurs, ou handicapés. Sa mission peut également être la protection d’un bien en particulier, dont la gestion exige peut-être une compétence technique qu’il possède. Pour être valable, le mandat à titre posthume doit être accepté par le mandataire, du vivant du de cujus. Il a généralement une durée de deux ans, même s’il est possible de le reconduire pour 5 ans, si la situation d’inaptitude de l’un des héritiers continue.

Le mandataire judiciaire et l’exécuteur testamentaire sont aussi des options envisageables.

A quelles conditions un héritier peut-il utiliser les biens indivis ?

Trois principales conditions réglementent l’utilisation des biens indivis par l’un des indivisaires. Il doit de fait bénéficier de l’accord des autres héritiers, ou à défaut de l’autorisation du juge du tribunal de grande instance. Aussi, l’indivisaire doit respecter la destination du bien indivis. Enfin, il se doit d’indemniser les autres indivisaires si ceux-ci le demandent. A défaut d’accord sur le montant de l’indemnisation, l’une des parties peut saisir le Tribunal de Grande Instance (TGI).

Comment sortir de l’indivision ?

Le partage est le moyen par lequel il est possible de mettre fin à cette situation de copropriété des héritiers sur les biens indivis. Il existe quatre options pour y procéder. Il s’agit de la :

  • Sortie individuelle : l’indivisaire vend ou donne sa part d’héritage ;
  • Sortie collective : elle suppose un accord de tous les héritiers pour mettre fin à leur copropriété en vendant le bien dont ils partageront le prix selon la quote-part due à chacun ;
  • Liquidation des biens indivis : elle peut être envisagée sauf si une convention existe ;
  • Répartition amiable : il s’agit d’une répartition entre les indivisaires concernés selon leur part respective.

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