Rachat d’une entreprise, quels sont les droits des salariés ?

Le rachat d’entreprise est une situation plutôt fréquente dans le milieu des affaires. Mais il n’est pas sans conséquence sur le fonctionnement de l’entreprise. Tout naturellement, le nouvel acquéreur doit se poser un certain nombre de questions, en vue d’organiser le fonctionnement de sa boîte. La plus pressante de ces interrogations est bien souvent la situation de chaque salarié précédemment en poste. Faut-il résilier le contrat de chacun d’eux ou le maintenir ? Quelles sont leurs prérogatives depuis le passage de l’entreprise sous un nouveau pavillon ? Eléments de réponses !

Le droit à l’information des salariés

Lors de la reprise d’une entreprise, l’employé percevant un salaire au sein de l’entreprise, a le droit d’être informé de certains types d’opérations. Il s’agit notamment de la vente du fonds de commerce (mobilier, outils, clientèle et contrats de travail, véhicules, enseigne, nom commercial, contrat de bail, brevet, etc.), de la cession de la majorité du capital social dans le cas d’une SARL qui est la propriété du vendeur, c’est-à-dire plus 50% des parts sociales. Sont aussi concernées par l’obligation d’information préalable vis-à-vis des employés, la cession d’actions ou de valeurs mobilières permettant au nouvel acquéreur d’accéder à la majorité du capital d’une SA, d’une SAS, ou d’une SCA, ainsi que la ventes de parts sociales ou d’actions entre filiales d’un même groupe, ou entre une filiale et sa maison mère, même si la majorité du capital est concernée par cette vente.

Il est toutefois important de circonscrire le périmètre des prérogatives liées à l’information dont dispose le salarié. Il est uniquement relatif à l’intention du vendeur de procéder à une vente sans avoir à la justifier auprès de ces subordonnés, et au fait que l’employé qui le souhaite puisse présenter une offre d’achat. Dans cette logique, l’employeur n’est pas non plus obligé de communiquer à son salarié, les documents relatifs à la comptabilité de l’entreprise, ni ceux abordant le fonctionnement de celle-ci, encore moins sa stratégie et sa politique.

Les employés concernés par ces prérogatives

Sont concernés par cette exigence d’information préalable relative à la reprise d’une entreprise, les employés liés à la société par tous types de contrats de travail, qu’il soit à durée déterminée, indéterminée, à temps partiel ou plein. Sont aussi considérés en l’occurrence, les contrats d’apprentissage, d’insertion en alternance, et tout autre contrat de travail à caractère particulier.

Etant acquise à tous les employés percevant un salaire, l’exigence légale de l’information préalable inclut donc logiquement les employés en congé de maladie, de maternité, et ceux bénéficiant d’un congé sans solde, ainsi que les apprentis. Ne sont donc pas concernés les stagiaires et les intérimaires.

Les conditions relatives à l’information

Chaque salarié de l’entreprise doit être informé du rachat, suivant certaines conditions. C’est dire que l’information préalable doit lui être portée selon des modalités, lesquelles se rapportent à la personne qui en assurera la transmission, et aux exigences de temps encadrant cette transmission.

Ainsi, l’information doit être transmise par :

  • L’exploitant du fonds de commerce, qui est lui-même informé par le propriétaire s’il ne l’est pas ;
  • Le chef d’entreprise en cas de vente de parts sociales ou d’actions, lui-même informé par le propriétaire s’il ne l’est pas.

La transmission doit être reçue par chaque employé :

  • Au moins deux mois avant que le contrat de vente de fonds de commerce, ou de cession de parts sociales ne soit conclu, si la société concernée n’a pas de comité d’entreprise ;
  • Au pire des cas au même moment où le comité d’entreprise est informé de la volonté de vendre le fonds de commerce, ou plus de 50% des parts sociales.

Les employés peuvent être informés au cours d’une réunion d’information actée par la signature d’un registre de présence, par un affichage avec un registre de signature mentionnant la date, et prouvant que l’employé a pris connaissance de l’affichage. Le courrier électronique, un document écrit et remis en mains propres contre émargement, une Lettre recommandée avec accusé de réception, un acte extrajudiciaire, sont aussi des moyens de transmission de l’information préalable de vente.

Le principe du maintien des employés déjà en poste

Un des principes fondamentaux du droit des contrats stipule que « les tiers qui ne participent pas à la conclusion d’un contrat ne sont pas engagés par celui-ci ». On parle d’effet relatif des contrats. Vu sous cet angle, et dans le cas d’une reprise d’entreprise, cette disposition pourrait compromettre les intérêts des employés déjà en poste au sein de l’entreprise cédée. C’est pourquoi, à travers son article L.1224.1, le Code du travail limite cette disposition, et élabore le principe du maintien des contrats de travail en cours.

Il s’agit d’un transfert obligatoire des contrats de travail s’il est question de la vente d’une entité économique autonome dont l’identité est maintenue. L’entité économique autonome s’entend d’un ensemble de personnes et de moyens corporels et incorporels, acquis à l’exercice d’une activité économique dans un but précis. Le maintien d’identité quant à lui s’entend comme la poursuite de l’activité économique, avec les mêmes moyens qu’avant la vente de l’entreprise.

Il convient tout de même d’opérer des nuances en ce qui concerne le maintien de l’activité. Si par exemple un changement d’activité ou une cessation définitive d’activité est opéré, il n’y a plus transfert de contrats. Ce cas de figure est plutôt simple à mettre en œuvre. Cependant, lorsque l’activité reste la même, et que les moyens d’exécution changent, l’appréciation est plus subtile. En réalité, les modifications de moindres envergures ne remettent pas en cause le principe du maintien de l’activité. Mais si les conditions de fonctionnement et d’organisations sont radicalement modifiées, et supposent inclusivement le non-maintien de l’activité, alors le transfert de contrats ne s’impose plus au nouvel employeur.

Pour en revenir au principe même du maintien garantissant le transfert des contrats, il est acquis au bénéfice du salarié, indépendamment de la nature du contrat (CDD, CDI, contrat de professionnalisation) qui le lie à l’entreprise. Il bénéficie de ce principe même si son contrat de travail est momentanément suspendu, ou s’il est en arrêt maladie, maternité, ou en congé individuel de formation, ou en congé parental. Même si le salarié est période d’essai, le principe est d’application.

Le transfert de contrat s’opère de façon tacite, tout naturellement, de plein droit. Mieux, les conditions antérieures de rémunération, fonction, ancienneté qualification, ou quelque clauses contractuelles (non-concurrence ou mobilité par exemple) sont maintenues sans conditions aucunes.

A noter que les employés licenciés pour motif économique conservent vis-à-vis de leur nouvelle direction, un droit de réembauchage. Cette dernière devra les informer ultérieurement de tout emploi compatible avec leur qualification.

Si un renvoi est prononcé lors du transfert, il n’est pas considéré comme une cause de licenciement. Et si l’ancien employeur procède quand même à des licenciements, les employés peuvent poursuivre le nouvel employeur pour être indemnisés. Quant à ce dernier, il ne peut procéder à des licenciements, que dans les conditions de forme et de fonds habituellement prévues par la loi.

Par ailleurs, les avantages individuels au bénéfice des salariés et qui leur ont été acquis à titre personnel sous l’ancienne direction, ne peuvent être remis en cause. En revanche, les avantages collectifs élaborés sur la base de conventions ou d’accords collectifs peuvent ne pas être maintenus au-delà d’un an.

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