Qu’est-ce que le droit au déréférencement ? Contexte, émergence et mise en application

Pour faire simple, vous pouvez demander au responsable du traitement d’un moteur de recherche la suppression de certains résultats de recherche associés à vos noms et prénoms. Ce n’est ni plus ni moins exercer votre droit au déréférencement. Le contenu original demeure accessible à sa source et via ledit moteur de recherche, mais plus en y associant vos données à caractère personnel.

Le cadre juridique européen de la protection des données personnelles

Les textes fondateurs de cette protection

La protection des données personnelles des personnes physiques constitue un droit fondamental garanti par l’article 8 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et l’article 16 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. Cette protection a fait l’objet d’une directive 95/46/CE du Parlement européen et du Conseil de l’Union européenne du 24 octobre 1995, premier texte en la matière.
Le Parlement européen et le conseil européen ont par la suite adopté le 27 avril 2016 le règlement 2016/79 relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données dit RGPD. Ce règlement a fait l’objet d’un rectificatif publié au Journal Officiel de l’Union Européenne le 23 mai 2018 et entré en vigueur le 25 mai 2018 qui apporte des garanties supplémentaires au respect de ce droit par les Etats et les entreprises.
Celui-ci précise les droits de tout citoyen de l’Union Européenne en matière de protection des données personnelles et fixe le cadre juridique à même de garantir l’effectivité de ce dernier.

Le droit à l’effacement

Parmi ces droits figurent le droit d’effacement dit « droit à l’oubli » consacré à l’article 17 du RGPD.
Le développement des moteurs de recherche a, ces dernières années, rendu facilement accessible des données à caractère personnel, ces données étant susceptibles de porter préjudice aux personnes physiques. En effet, si ces dernières peuvent souhaiter apparaître dans des tels moteurs de recherche en utilisant les techniques de référencement, il peut également arriver qu’elles s’y retrouvent indépendamment de leur volonté dans le cadre notamment de décisions de justice ou de publications les concernant.

Le droit au déréférencement, une construction jurisprudentielle

L’arrêt de la Cour de Justice de l’Union européenne consacrant ce droit

Avant l’avènement du RGPD, la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE), dans son arrêt Google Spain SL et Google Inc. rendu en Grande Chambre le 13 mai 2014 consacre le droit à l’oubli numérique. Dans cet arrêt, un particulier obtient de la Cour de Justice de l’Union Européenne l’effacement du moteur de recherche de Google d’une information comportant son nom, information susceptible de lui porter préjudice. Dans cet arrêt, la CJUE étend la garantie des droits des personnes en matière de données personnelles aux données présentes sur moteurs de recherche en faisant une interprétation extensive des termes de la directive de 1995. Elle adapte ainsi sa jurisprudence à l’explosion de la sphère numérique dans l’intérêt du particulier.

La conciliation de ce droit avec les libertés fondamentales

Cependant, le droit à l’effacement doit être tempéré à l’aune des autres libertés fondamentales et, tout particulièrement, au regard des libertés d’expression et d’information, libertés fondamentales visées à l’article 11 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union Européenne.
Les juridictions nationales ont un rôle majeur à jouer dans cette conciliation d’intérêts qui peuvent s’avérer contradictoires. A travers le contrôle de proportionnalité qu’elles exercent, elles doivent donc tout particulièrement examiner si les demandes de déréférencement qui leurs sont soumises sont suffisamment justifiées.
La première chambre civile de la cour de cassation, dans un arrêt rendu le 14 février 2018, a ainsi posé le principe de non automaticité du déréférencement enjoignant les juridictions de premier ressort à procéder « à la mise en balance des intérêts en présence ».
En cela, la cour de cassation a devancé de quelques mois le RGPD entré en vigueur le 25 mai 2018 qui est venu préciser les conditions dans lesquelles le droit d’effacement pouvait être satisfait.

La mise en application du droit au déréférencement

Faire une demande de déréférencement

Cette demande doit être faite auprès du responsable du traitement des données personnelles du moteur de recherche. Ce dernier dispose d’un délai d’un mois pour répondre à la demande. Ce délai peut être porté à trois mois pour motif légitime et justifié. Au delà, la CNIL peut être saisie.
Les principaux moteurs de recherche ont mis en place des formulaires spécifiques à renseigner. Le site de la CNIL fournit des liens vers ses différents formulaires.
Pour les autres moteurs de recherche, la recherche est plus ardue et nécessite de trouver les coordonnées du responsable de traitement. Cela peut rendre plus complexe la démarche. Cependant, le RGPD modifié en 2018 apporte des éléments susceptibles de simplifier les démarches.

Le droit au déréférencement face aux nouveautés du RGPD 2018

La création du métier de délégué à la protection des données et le renforcement des sanctions des autorités nationales de régulation comme la CNIL par le RGPD version 2018 devraient permettre un meilleur traitement de ces demandes.
En effet, l’identification obligatoire d’un interlocuteur dédié à la protection des données personnelles dans les entreprises et administrations visées à l’article 37 du RGPD est de nature à faciliter l’adressage des demandes. Les sanctions administratives prévues à l’article 83 du RGPD sont également susceptibles d’accélérer le traitement de ces demandes par les entreprises.

Références :

Règlement 2016/79 relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données
https://www.cnil.fr/fr/reglement-europeen-protection-donnees

CJUE, GC, 13 mai 2014 Google Spain SL et Google Inc
http://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf?text=&docid=152065&pageIndex=0&doclang=FR&mode=req&dir=&occ=first&part=1&cid=530085

Civ, 1ère, 14 février 2018
https://www.courdecassation.fr/jurisprudence_2/premiere_chambre_civile_568/178_14_38605.html

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